3 questions à ... René Bourgoin, président de la Haute Autorité de la communication audiovisuelle de Côte d'Ivoire, vice-président du RIARC

Par HACA CI - le 02-02-2024

Cette nouvelle édition des « 3 questions à » donne la parole à René Bourgoin, président de la Haute Autorité de la communication audiovisuelle de Côte d'Ivoire (HACA), vice-président du Réseau des instances africaines de régulation de la communication (RIARC). Le président de la HACA indique les dernières évolutions du cadre de régulation en Côte d'Ivoire et ses attentes à l'occasion de la prochaine conférence commune du REFRAM et du RIARC prévue en avril 2024. Ses propos ont été recueillis par voie électronique le 1er février 2024.

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M. René BOURGOIN, président de la Haute Autorité de la communication audiovisuelle de Côte d'Ivoire - (DR)

Deux lois du 20 décembre 2022 sont venues modifier celles du 27 décembre 2017 relatives aux régimes juridiques de la communication audiovisuelle et de la presse en Côte d’Ivoire. La Haute Autorité s’est ainsi vue dotée de nouvelles prérogatives en matière de régulation des plateformes en ligne. Plus d’un an après l’entrée en vigueur de ce cadre modernisé de la régulation en Côte d’Ivoire, quelles avancées constatez-vous pour la Haute Autorité et le secteur ?

« Je voudrais de prime abord apporter une précision sur ces deux lois, à savoir :

  • La loi n° 2022-978 du 20 décembre 2022 modifiant la loi n°2017-867 du 27 décembre 2017 portant régime juridique de la presse ;
  • La loi n° 2022-979 du 20 décembre 2022 modifiant la loi n°2017-868 du 27 décembre 2017 portant régime juridique de la communication audiovisuelle.

La première loi régit le secteur de la presse écrite en Côte d’Ivoire et la seconde, le secteur de la communication audiovisuelle. Il s’agit de secteurs bien distincts encadrés par deux régulateurs, en l’occurrence l’Autorité nationale de la presse (ANP), pour la presse écrite et la production d’informations numériques et la Haute Autorité de la communication audiovisuelle (HACA), pour la communication audiovisuelle.

Revenant à votre question, il convient de rappeler que cette loi a été rendue nécessaire par la volonté d’adapter le cadre juridique de la communication audiovisuelle à l’environnement numérique.

Elle prend en compte la régulation des contenus audiovisuels diffusés via Internet et autres réseaux multimédias. Cette loi est d’autant plus importante qu’elle entérine une décision du 6 juillet 2022 de la HACA autorisant la suspension, le retrait de programmes audiovisuels ou le déréférencement d’adresses électroniques donnant accès à des services audiovisuels exploités sans autorisation.

Elle résout également la question de la mise en œuvre de mesures de blocage de sites diffusant des contenus audiovisuels sans droit ou inappropriés et permet au régulateur de la communication audiovisuelle de demander aux fournisseurs d’accès à Internet (FAI) ou à tout intermédiaire technique, de bloquer l’accès à ces sites et de demander à des moteurs de recherche le déréférencement desdits sites.

Ladite loi en son article 40 bis indique que « la HACA peut ordonner par décision, à tout fournisseur d’accès Internet, hébergeur de site ou intermédiaire technique offrant un accès à des services de communication audiovisuelle ou assurant à titre gratuit ou onéreux le stockage direct et permanent pour mise à disposition de contenus, la suspension immédiate de l’accès audit service ou contenu illégal ou malveillant ».

Elle fait, en outre, obligation aux fournisseurs de services de plateformes de partage de vidéos de mettre en place des mesures appropriées pour protéger d'une part, les mineurs contre les contenus susceptibles d'affecter leur développement physique, mental ou moral et d'autre part le grand public contre l'incitation notamment à la haine, à la discrimination ethnique, sociale et religieuse, à la xénophobie ou à la provocation publique à commettre une infraction.

L’article 109 bis de la loi précitée précise également que « l’exploitation d'un programme audiovisuel par un tiers est soumise à l'accord préalable de son auteur, de ses ayants droit ou de la société de gestion collective des droits d'auteur. En cas d'exploitation illégale de contenus audiovisuels, le titulaire de droits peut, sur décision de la Haute Autorité de la communication audiovisuelle, saisir le prestataire technique de la diffusion, le fournisseur d'accès à Internet ou tout intermédiaire en vue d'empêcher l’accès au programme incriminé ou de procéder à son retrait.

Dans ces conditions, le prestataire technique de la diffusion, le fournisseur d'accès à Internet ou l’intermédiaire technique, sur décision de la HACA, est tenu d'empêcher l'accès au programme incriminé ou de procéder à son retrait sous la responsabilité du titulaire des droits.

La HACA peut demander à tout exploitant de moteur de recherche, annuaire ou autre service de référencement de faire cesser le référencement des adresses électroniques donnant accès à des Services audiovisuels de communication au public en ligne ».

En ce qui concerne le bilan de la mise en œuvre de cette loi, un an après son entrée en vigueur, l’on notera diverses avancées :

  • Plus de 300 noms de domaines identifiés comme malveillants ont été bloqués par Canal+ Côte d’Ivoire en fin 2022 ;
  • Plus 900 sites illicites ont été également bloqués au cours de l’année 2023 ;
  • La HACA prendra dans les tout prochains jours, une décision autorisant la mise en place par Canal+ Côte d’Ivoire, d’une solution technique de blocage dynamique et automatisé d’adresses IP et DNS. »

Forte de ses nouvelles compétentes en matière de régulation numérique, la HACA a mis en place un dispositif basé sur la co-régulation au travers d’une « Charte des réseaux sociaux », comportant 7 principes. Pourriez-vous préciser la démarche entreprise et quel bilan vous en tirez à ce stade ?

« La démarche entreprise par la HACA ayant abouti à la signature d’une Charte des réseaux sociaux par les activistes, blogueurs et influenceurs de Côte d’Ivoire a débuté par une table ronde organisée par la HACA le 17 mai 2023 sur le thème : « Quelles responsabilités des activistes, blogueurs et influenceurs dans la diffusion des contenus audiovisuels en ligne ? ».

Cette table ronde a même enregistré la participation du procureur de la République qui a entretenu les participants sur les risques encourus par eux dans leurs activités sur les réseaux sociaux et a abouti à l’adoption provisoire d’une Charte des réseaux sociaux en Côte d’Ivoire. La seconde étape a consisté en l’adoption définitive et la signature de ladite Charte, au cours d’une cérémonie solennelle à l’Hôtel Tiama d’Abidjan, le 26 octobre 2023.

Je ferai observer qu’en application de la loi modificative du 20 décembre 2022 qui énonce que « la diffusion du contenu audiovisuel de tout site de blogueur, activiste ou influenceur disposant de 25.000 abonnés en ligne n’a pas le caractère de correspondance privée et est par conséquent soumise au respect des principes généraux de la communication audiovisuelle », les activistes, blogueurs et influenceurs se sont engagés à fournir des informations exactes, vérifiées et objectives dans leurs publications.

Ils ont fait leurs, les principes suivants :

  • L’intégrité et l'exactitude de l’information
  • Le respect des droits et de la dignité d’autrui
  • La transparence dans les partenariats et les intérêts commerciaux
  • Le respect des droits d'auteur et de la propriété intellectuelle
  • La promotion du débat constructif et du dialogue ouvert
  • La protection des données à caractère personnel
  • La responsabilité envers la société et l'environnement.

Quel bilan devons-nous faire après cette signature ? La HACA se félicite de l’engagement des activistes, des blogueurs et des influenceurs de Côte d’Ivoire à se conformer à l’ensemble des textes régissant le secteur de la communication audiovisuelle. Nous nous félicitons également de la réduction très nette des cas de dérapages observés sur les réseaux sociaux. »

Les 23 et 24 avril prochains, la HACA accueillera à Abidjan la Conférence conjointe du REFRAM et du RIARC, sur « le renforcement du dialogue avec les plateformes en ligne sur le continent africain et dans l’espace francophone ». Quelles sont vos attentes pour cet événement portant sur des priorités majeures du REFRAM et de ses membres ? Quelle importance accordez-vous au dialogue entre les réseaux de régulateurs et les représentants des plateformes ? De même, quelle place accordez-vous à la coopération entre réseaux de régulateurs, le REFRAM et le RIARC en l’espèce ?

« Mes attentes pour cette conférence, partagées par mes homologues du REFRAM et du RIARC sont de parvenir à une déclaration commune des deux réseaux de régulateurs par laquelle ils s’engageraient à renforcer le dialogue avec les représentants des très grandes plateformes en ligne.

Une déclaration officielle des très grandes plateformes en ligne s’engageant à faciliter ce dialogue nécessaire par des mécanismes souples et accessibles serait également la bienvenue.

La conférence Internationale permettra également de renforcer la place prédominante que nous devons accorder à la coopération entre réseaux de régulateurs, le REFRAM et le RIARC. Ce sera la première fois et cela est à saluer, que les deux réseaux de régulateurs se retrouveront associés à l’occasion de cette rencontre. Cela permet d’augurer d’une coopération étroite entre ces deux réseaux, enrichissante et bénéfique pour l’ensemble des régulateurs de l’espace francophone et du continent africain. »

Pour plus d'informations, consultez le site internet officiel de la Haute Autorité de la communication audiovisuelle de Côte d'Ivoire

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